
De l'aide au développement à l'action humanitaire, de la défense des droits de l'homme au droit d'ingérence impulsé par les « french doctors », les Organisations non gouvernementales qui tiraient leur légitimité de leurs « combats » pour la démocratie, la liberté d’expression, la protection des femmes et des enfants, sont depuis la chute du Mur de Berlin sur tous les fronts. Leur grand élan d'amour, de générosité et de solidarité des hommes à l'écoute des autres s'est perverti. Aujourd’hui, il transporte des arrière-pensées avec tous ces mots : droit, devoir, obligation, assistance, intervention, ingérence auxquels il faut ajouter humanitaire pour passer allégrement ensuite du droit d'assistance au devoir d'assistance, d'ingérence ou d'intervention. Adieu les droits de l’homme et l'action humanitaire, dont le droit à l'assistance qui est consacré par le droit international, tire ses fondements juridiques des conventions de Genève de 1949 et de leurs protocoles additionnels de 1977 ? Bonjour l’interventionnisme humanitaire ?
«Je crois qu'il émerge lentement, mais sûrement, une norme internationale contre la répression violente des minorités, norme qui doit absolument prendre le pas sur les préoccupations de souveraineté. Le droit à la souveraineté des États est actuellement redéfini [...] En même temps, la souveraineté de la personne [...] a été renforcée par une prise de conscience accrue des droits de l’homme » déclarait en 1999 l’ex-Secrétaire général des Nations-Unies, Kofi Annan. Dix ans plus tard, il est possible d’avancer que les jalons d'une « nouvelle police du monde » sont posés. Officiellement, pour protéger les droits de l'homme. Réellement, pour accompagner le discours sur …l’action humanitaire qui raconte le Nord sans le Sud. Et pour cause ! Si pendant la période coloniale, la domination occidentale a été justifiée par la « mission civilisatrice » aujourd’hui cette « domination-action » met en avant l’homme à « soulager » de la misère et de la souffrance quitte à heurter le principe de souveraineté et de non-ingérence inscrit sur du marbre dans la charte des Nations Unies. Depuis peu, ce droit qui est devenu un devoir. Il est revendiqué haut et fort par des ONG, des Etats et même l'ONU au nom des droits des « opprimés » dans les pays du Sud. Certains poussent même à la création de tribunaux internationaux pour juger les crimes commis à l’intérieur de ces « pays. Pour « débarrasser » les Afghans des Talibans les Américains n’ont-ils pas envahi l'Afghanistan, imposé un gouvernement en se faisant payer par la prise bessif de tous les marchés de reconstruction ? Idem pour Irak où ils auraient anticipé la destruction du monde par les armes de destruction massive de Saddam Hussein au nom des droits de l’homme et inauguré le concept de « guerre préventive ». Plus clairement, il suffira d'un « soupçon » pour détruire n'importe quel pays ! Nouvelle loi de la jungle ?
C’est au nom du droit d’ingérence, - un droit qui n’a pas de définition juridique précise même si deux résolutions ont été votées par l’Assemblée générale des Nations Unies, le 8 décembre 1988 et le 14 décembre 1990 -, que des États occidentaux sont intervenus au Kurdistan irakien en avril 1991 avec l’aval du Conseil de sécurité qui a invoqué une « menace contre la paix et la sécurité internationales ». Après, il y’eut l’opération « Restore Hope », menée en Somalie ( fin 1992), l’opération Turquoise en Rwanda menée par la France, en 1994, les interventions armées en Bosnie-Herzégovine en 1994-1995, au Liberia, en Sierra Leone, en Albanie en 1997, l’envoi d’une force d’intervention de l’OTAN au Kosovo en 1999. Cette remise en cause du principe de souveraineté rencontre l’opposition des pays les plus pauvres. Réunis lors du sommet de la Havane en 2000, les chefs d’État du G-77 ont rejeté ce « droit d’intervention humanitaire » incompatible selon eux avec la Charte des Nations unies. Il aurait, selon certains, un fond d’idéologie coloniale. Le philosophe Jean-François Revel fut le premier à évoquer le « devoir d’ingérence » en 1979 dans un article du magazine français l’Express consacré aux pouvoirs centrafricain de Jean-Bedel Bokassa et ougandais d’Idi Amin Dada. Le terme fut repris par le philosophe Bernard-Henri Lévy l’année suivante à propos du Cambodge. Il sera reformulé en « droit d’ingérence » en 1988 par Bernard Kouchner, l’ancien représentant spécial des Nations Unies au Kosovo et le fondateur de Médecins sans frontières. Le concept entend, imposer un « devoir d’assistance à peuple en danger » subordonner la souveraineté des États et s’inscrire dans un cadre plus large de la redéfinition d’un ordre mondial régi par des principes de démocratie et de respect de la personne humaine made in Occident. Le même Kouchner qui était prompt à débarquer avec un sac de riz ou faire une déclaration au style onctueux pour défendre les droits de l’homme, n’hésite pas vendre des certificats de bon conduite. Comme il l’a fait en Birmanie pour le groupe Total. Malgré toutes les accusations formulées par plusieurs associations de défense des droits de l’homme et le prix Nobel de la paix Augn San Susi Kyi, le french doctor n’a pas hésité à blanchir le géant pétrolier pour 25 000 euros de tout recours au travail forcé. A Ghaza, en Cisjordanie, les Palestiniens se demandent toujours où sont passés les théoriciens du droit «d’ingérence humanitaire» ? Au Sahara Occidental occupé aussi.
Au nom des Droits de l’Homme et…
Si au XIX° siècle où on « s’ingérait » pour piller au nom de la civilisation, aujourd’hui on « s’ingère » au nom de la démocratie. Les maitres d’œuvre ? Les Etats-Unis et l´Union européenne qui sont appelés par euphémisme la communauté internationale. Contrôlant et l’économie et l’information dans le monde (224 des 300 agences de presse et 70% des journaux), ils tirent ouvertement les ficelles d’une partie des 3.195 ONG, organisations non gouvernementales internationales, qu’ils financent pour défendre leurs intérêts. Pour en bénéficier, il faut souscrire à une certaine allégeance. Pour exemple, Reporters sans frontières qui dénonce parfois en des termes violents les « monopoles d’Etat » sur l’information ne peut même pas déplorer le monopole de Dassault et autre Lagardère sur la presse en France. Ni s’interroger sur les auteurs des assassinats des journalistes à Belgrade, Kaboul, Bagdad. La Raison ? Outre l’argent de l’Etat français, l’ONG avocate des médias, est arrosée par l’argent de la NED (National Endowment for Democracy, une fondation nationale pour la démocratie). Elle ne peut donc oser ni distribuer des tracts aux journalistes qui partent pour New York ni écrire à l’Union européenne pour qu’elle fasse pression sur les Etats Unis. Même les ONG qui se présentent comme indépendantes des États, sont subventionnées par des gouvernements et financées par des entreprises transnationales. 40% du budget des ONG françaises proviennent de l'Etat. Ce taux qui n’est pas négligeable et le montant des subventions posent la question sur « N » d'ONG, censé garantir leur autonomie. Ceci dit, loin de nous toute intention de minimiser l’apport des ONG sur la scène internationale, ni de les stigmatiser dans leur ensemble au prétexte de la dérive de quelques unes. Cette réserve ne doit pas nous priver de lucidité face à un phénomène de fond inquiétant. Certaines ONG comme Human right Watch, Amnesty international, la fédération internationale des droits de l’Homme, Freedom house, National Democratic Institute, ont un pouvoir exorbitant. Elles entendent participer à la « gouvernance mondiale » aux côtés des États et des entreprises transnationales, du moins exercer un « soft power ». Jacques Attali a proposé de créer une Organisation des Associations, dotée d’un pouvoir décisionnaire et participant à une nouvelle « gouvernance mondiale ». Déversant.
….du devoir d’ingérenceDroit d’ingérence ? Droit colonial ? Droit du plus fort ? Les trois sans doute. Le monde se souviendra longtemps de Pierre Camatte, l'ex-otage français au Mali et de l’Arche de Noé. L’humanitaire de 61 ans était un agent de la DGSE qui travaillait sous couverture, pour surveiller Al Qaida au Sahel. L’écho de l’appel de l’Arche de Zoé à sauver les enfants du Darfour est là. Cette « association à but non lucratif dédiée aux enfants orphelins » à double identité - Arche de Zoé en France et Children Rescue au Tchad- met à nu le travail de beaucoup d’ONG. Même si elle a été prise la main dans le sac : « vols d’enfants tchadiens », le Président Sarkozy a cru bon de déclarer avant de partir chercher les inculpés de cette ONG par la justice tchadienne: « J’irai les chercher quoi qu’ils aient fait » ! Sous le prétexte qu’au « Tchad, il n’y a pas de justice », l’Assemblée Nationale française a exigé le retour de ses « concitoyens ». L’humanitaire colonial du 3e millénaire pose la question de la légitimité de ces ONG qui diabolisent l’Arabe, le Russe, le Chinois... au nom de la démocratie et des droits de l’homme, s’érigent en tribunal de l’inquisition ou défendent des thèses non prouvée. Comme le génocide au Darfour et du Sud-Soudan pour justifier l’entrée dans les champs de pétrole des troupes ONU/Otan. Les « révolutions colorées » en Géorgie, en Ukraine, Liban et en Iran suscitent des questionnements. Même si les ONG qui se sont manifesté dans ces « révolutions »nient vouloir s’ingérer dans la politique de ces pays. Elles affirment qu’elles n’ont fait que leur « travail » : assister ces États à réaliser la transition vers la démocratie. Le Sud, région de tous les maux, est aujourd'hui la cible de toutes les agressions que le droit-devoir d'ingérence cautionne. Même s’il risque d’ouvrir la porte à la loi de la jungle. Comme se sont attelées à le faire durant la décennie « 90 » en Algérie toutes les grosses ONG internationales. Pas une n’a hésité à faire sien le slogan du « qui tue qui », pas une. Pas une n’a mis des réserves aux appels des partisans d’une commission d’enquête internationale. Pas une n’est absente aujourd’hui dans les rangs des ONG internationales mobilisées pour s’occuper du Soudan dont le sous sol est gorgé d’eau et de pétrole. Au nom des droits de l’Homme, les hommes pourraient devenir sans droits.